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L'APPEL D'AIR  |  sortir de l'ombre de Marcel Duchamp

par  Patrick De Haas

Novembre 2017 : plus de 15000 scientifiques de 184 pays lancent « un 2e avertissement » à l’Humanité : « Si nous voulons éviter de grandes misères humaines il est indispensable d’opérer un changement profond de notre gestion de la Terre et de la vie qu’elle recèle ». Le tableau clinique est connu depuis longtemps : dérèglement climatique, perte catastrophique de la biodiversité, fonte des glaciers, déforestation, dégradation ou destruction des ressources naturelles non renouvelables, pollution (eau, air, terre...), etc.

Bien sûr, des catastrophes ont déjà eu lieu dans le passé (guerres, y compris mondiales, tsunamis, etc.), mais nous pouvons nous enorgueillir de faire partie des premiers humains qui voyons se dérouler sous nos yeux un désastre total, inédit à l’échelle planétaire. L’annonce nous est faite non par des prophètes illuminés mais par des chercheurs dont la connaissance et la raison sont les outils opératoires. Et pour nombre de climatologues, cette catastrophe planétaire est non seulement déjà commencée mais elle est peut-être irréversible.


Les réfugiés sont aujourd’hui bien souvent des réfugiés climatiques. Il ne s’agit donc plus, comme on le disait encore il y a peu, d’une question morale (« quel monde laisserons-nous aux générations futures ? »), mais d’une question urgente de survie. Nous sommes tous concernés et atteints aujourd’hui. Même si ce « nous » est pour l’heure (mais plus pour longtemps) essentielle- ment un « eux » (là-bas, en Afrique ou en Asie, les inondations alternant avec les sécheresses), ce qui « nous » donne l’illusion qu’il est encore possible de regarder ailleurs, quand des milliers d’humains se noient (ou sont noyés, puisqu’aucune institution ne se précipite pour leur porter secours) en Méditerranée.

Tout cela était pour une large part prévisible : le rapport du Club de Rome, dès 1972, formulait un diagnostic précis en dénonçant la fiction d’une croissance économique et démographique dans un monde fini. Mais depuis un demi-siècle rien n’a été fait (ou si peu) et la situation s’est donc (ici encore de façon parfaitement prévisible) considérablement aggravée.
Des auteurs (Castoriadis, par exemple) ont précocement et lucidement mis en évidence que la “question écologique” n’était pas une question d’ordre “techno-scientifique” et qu’elle ne pouvait donc être traitée que politiquement3. Car la responsabilité humaine dans l’aggravation de la situation (désignée aujourd’hui comme une nouvelle période : l’anthropocène, ou mieux le capitalocène) est directement liée à l’industrialisation et au productivisme développés dans une économie capitaliste, fondée sur une croissance continue, celle-ci étant source de profits d’autant plus importants qu’elle sera rapide et forte.

Tout laisse à penser que cette course dans le mur ne peut être arrêtée que par un bouleversement radical des institutions sociales et politiques. Mais aussi par une transformation décisive de l’imaginaire occidental : le conquérant, le colon, le maître de la Nature, la croyance en l’expansion illimitée, produire et consommer toujours plus, en programmant l’obsolescence des objets si nécessaire. Ce que les anciens Grecs condamnaient comme péché d’orgueil sous le nom d’Ubris (démesure) ne peut être freiné que par une auto-limitation, et donc par une réflexion sur les supposés bienfaits de la croissance.

 

– Mais on s’égare... Ne s’agit-il pas ici de parler d’art, d’une exposition de deux artistes ?
 

En effet, mais ces artistes sont aussi des humains
qui vivent, comme les non-artistes, sur cette Terre qui va mal. Or, on l’a dit, il y a extrême urgence, et la pression n’aura jamais été aussi forte pour qui est à l’écoute du pouls du monde. Mais cette pression, pour un artiste, entre en conflit direct avec toute une part importante de la modernité (particulièrement ce qui a été appelé “modernisme” par le critique Clement Greenberg) qui insiste sur la spécificité, voire l’autonomie des pratiques artistiques. L’artiste moderne, au nom de la liberté, après s’être libéré de ses liens qui pendant des siècles l’ont soumis aux Dieux et aux Rois, a souvent perçu toute instrumentalisation de l’art à d’autres fins comme le pire des dangers.

Convaincu de la souveraineté de son art, l’artiste comme chercheur, expérimentateur, explorateur n’aurait donc de compte à rendre à personne.


Mais un autre courant important de la modernité, opposé à la conception “moderniste” de l’écart art/vie, a pratiqué l’hybridation des arts entre eux et recherché une possible continuité entre l’art et la vie. Autour de la riche notion d’expérience, le philosophe John Dewey a montré, parmi d’autres, comment il pouvait y avoir continuité entre des démarches qualifiées d’artistiques et des activités non reconnues comme telles.

Dès lors, si l’artiste ne pense plus son art comme hors du temps et de l’espace dans lesquels il vit, s’il se considère d’abord comme habitant du monde, alors ce monde ne pourra manquer de retentir sur son œuvre. Et la relation ne se fera pas nécessairement selon une esthétique “réaliste” ou en s’appuyant sur une théorie du “reflet”, mais plutôt dans un registre “poétique” qui permet de proposer et de partager une nouvelle sensibilité, un autre imaginaire. Il ne s’agira donc pas de produire une œuvre résorbée dans une visée pédagogique, didactique ou “engagée”, mais de tenter de rendre sensible dans le langage de l’art, l’inquiétude devant le monde tel qu’il va et d’imaginer d’autres horizons.

Car si l’art, en tant que tel, ne peut que difficilement agir directement sur le monde, il peut travailler sa perception, mettre à vif de façon non discursive les relations fragiles que nous entretenons avec lui. C’est peu et insuffisant : les transformations véritables ne peuvent se produire que dans l’ordre et le désordre du politique : soulèvements, insurrections... Mais c’est beaucoup et nécessaire : pas de changement possible sans la perception de sa nécessité, et la configuration de nouvelles sensibilités le rendant désirable.


L’artiste qui œuvre sur un autre terrain que celui du climatologue (même s’il peut être bien informé), du journaliste ou du philosophe (même s’il est capable de penser et d’écrire) ou de l’activiste (même s’il peut agir et s’engager par ailleurs), peut donc en tant que Terrien, faire un art politique qui ne soit pas nécessairement un art militant. On pourra suivre sur ce point l’approche de Jacques Rancière : « Les images de l’art ne fournissent pas des armes pour les combats. Elles contribuent à dessiner des configurations nouvelles du visible, du dicible et du pensable, et, par là-même, un paysage nouveau du possible. Mais elles le font à condition de ne pas anticiper leur sens ni leur effet ». Frank Dubois et Benoit Pierre sont très loin d’être naïfs et ils ont ici au moins réfléchi au sens et à l’effet possible de leur travail, à défaut de l’anticiper. Mais, si la question écologique est pointée, les œuvres, sans jouer de l’ambiguïté, conservent en elles plusieurs strates de sens qui permettent au spectateur/regardeur d’échapper à la lecture imposée qui serait programmée par une imagerie «militante», laquelle, d’être déterminée par une fin unique, se devrait en effet d’être transparente dans son sens et ses effets.

Le poète dada Tristan Tzara, révolté contre la boucherie de la Première Guerre mondiale, mais opposé
 à toute inféodation de l’art, ne voulait pas dire autre chose quand, de façon certes un peu brutale, il affirmait qu’« une œuvre d’art compréhensible est produit de journaliste ». Il ne s’agit donc pas pour les artistes de produire un “art écologique” (qui ne serait pas à l’abri de l’accusation possible d’opportunisme), mais de laisser vibrer dans
leurs œuvres le son de ce qui dans le monde les affecte aujourd’hui.

Ce qui affecte Frank Dubois et Benoit Pierre, c’est peut-être l’usage de la notion de “Progrès”, sollicitée à 
la fois pour dénoncer la cause des désastres écologiques, et aussi pour caractériser une certaine temporalité de
la modernité, (particulièrement celle qui s’affuble du nom d’“avant-garde”. Cette critique du progrès est à la fois bienvenue, nécessaire et cependant porteuse d’ambiguïtés par la masse de questions complexes qu’elle libère. Au-delà du moment de l’industrialisation, c’est aux philosophes des Lumières que l’on a l’habitude de faire porter le poids de la diffusion de l’idéologie du “Progrès” (pensé comme rejet du conservatisme associé à la mère Nature et de l’obscurantisme lié aux déités métaphysiques): enthousiasme, inscrit dans l’Encyclopédie, pour les techniques et les sciences, qui autorisent la domination et la maîtrise de la Nature dont les ressources sont considérées comme illimitées, promesse d’un avenir qui ne peut être que meilleur.

C’est notamment aux anthropologues que l’on doit une relativisation et donc les fondements d’une critique possible de cette conception impériale, dominatrice, déployée par l’Occident dans son face à face avec la Nature : l’homme occidental pense la Nature dans un rapport d’extériorité, comme un objet manipulable, alors qu’une approche moins orgueilleuse devrait l’appréhender comme un ensemble dont il n’est qu’une composante solidaire. Le lien causal pourra ainsi être schématiquement énoncé : l’exploitation et la destruction des ressources naturelles de la biosphère sont une conséquence légitimée par l’idéologie de la domination de la Nature.

Cette approche exclusivement positive du progrès n’a bien sûr pas manqué de susciter des réactions. L’une des plus célèbres est celle, mordante, de Baudelaire com-mentant l’Exposition universelle de 1855 appelée à dresser le bilan des découvertes occidentales : « Cette idée grotesque, qui a fleuri sur le terrain pourri de la fatuité moderne [...] Où est je vous prie la garantie du progrès pour le lendemain ? » Baudelaire précise que sa critique vise d’abord une certaine conception du temps. Il reconnaît l’existence de progrès techniques factuels, mais refuse l’idéologie dont ils se prévalent : le progrès comme consubstantiel au temps qui passe.


Baudelaire, chantre de la modernité (il est même l’un des premiers à user et à diffuser le mot) est donc aussi celui qui, sans se contredire, n’a cessé de se défier de la notion de progrès. C’est que la modernité qu’il revendique qualifie ce qui dans l’art porte la trace du présent et non ce qui annonce un futur glorieux.

« In Advance of the Broken Arm » : cette phrase étrange gravée sur une feuille de métal fixée sur le manche d’une pelle à neige est souvent traduite erronément par
« En prévision du bras cassé », ce qui conduit son regardeur à penser qu’elle révèle un lien de causalité entre la neige qu’elle est appelée à déblayer et l’hypothèse du bras cassé à venir. Or, Marcel Duchamp l’a noté à diverses reprises, cette interprétation est possible « mais en tout cas telle n’était pas mon intention ». Et en effet, dans une lettre à sa sœur Suzanne, il traduit par « En avance du bras cassé » (et non “en prévision”). N’ayant sans doute pas imaginé que l’on pourrait trouver un sens là où il s’ingéniait à l’exclure, il précise à sa sœur « Ne t’escrime pas trop à com- prendre... ». Ce qui intéresse ici Duchamp c’est donc un lien de consécution absurde et non de conséquence logique : « Comment peut-on être “en avance” de quelque chose de “cassé” ? C’est impossible ». Le régime temporel activé dans l’idée de “progrès” qui noue de façon linéaire et solidaire passé, présent et futur se retrouve ici brisé par un usage très particulier de la langue.

Et pourtant, avant que la phrase n’ait été inscrite, l’outil pelle à neige était vraisemblablement pensé dans un contexte “glorieux”. Achetée en novembre 1915 dans une quincaillerie new-yorkaise, la pelle était appelée à de- venir le premier ready-made (la Roue de bicyclette de 1913 et le Porte-bouteilles de 1914 n’étaient pas encore associés ni au mot ni même peut-être à l’idée du ready-made).


À peine arrivé à New York, c’est un Duchamp très euphorique qui lance dans un entretien : « L’Amérique est le pays de l’art du futur ». Deux mois plus tard il achète la pelle en compagnie de son ami et futur beau-frère Jean Crotti, et raconte que celui-ci « était tout fier de la porter sur son épaule et descendit Broadway jusqu’à chez moi. Il était très enthousiaste ». Et Crotti de préciser : « En tant que peintre, je considère cette pelle comme le plus bel objet que j’aie jamais vu ». Dans son studio, la pelle à neige, aussi étrange pour un Normand que le porte-bouteilles peut l’être pour un Américain, se trouve suspendue au plafond à la manière d’un trophée, manière sans doute de souligner son splendide isolement.

Cette dimension moderne de l’objet industriel, fabriqué en série, qui s’affiche orgueilleusement comme candidat à l’appréciation esthétique, ready-made sans artiste pour le faire (signé [from] Marcel Duchamp), comportait toutes les apparences d’un manifeste annonciateur de temps nouveaux. Objet arraché du monde commun (« une pelle à neige toute bête », dira-t-il) libéré de toute attache (de l’idée d’art, de l’artiste, de la fonctionnalité), engagé donc dans une nouvelle vie, loin de la neige qu’il était censé prosaïquement ramasser.
Réponse à l’extraordinaire question que son «auteur» avait griffonnée deux ans plutôt : « Peut-on faire des œuvres qui ne soient pas d’“art” ? ». Le détachement ironique de l’artiste semble aggraver son cas au regard de ceux qui aujourd’hui, légitimement, veulent être à l’écoute des sombres temps : « Le sérieux et l’important sont mes pires ennemis », dit-il, et, plus provocateur encore, « j’objectais à la responsabilité ».

On comprend qu’une telle suffisance de l’œuvre et une telle désinvolture de l’artiste aient pu choquer et irriter. Et on comprend qu’aujourd’hui encore, un artiste puisse vouloir analyser l’héritage de cette figure considérée comme tutélaire, par une attaque frontale : l’arrogante pelle suspendue en l’air se retrouve fracassée au sol et en partie calcinée. Dure est la chute du monument : désacralisation symbolique et spatiale : In Advance of the Broken Arm est devenue (ou n’est plus que) La pelle.

Mais, comme on sait, la pensée de Duchamp est re- torse et toujours à la recherche de la « co-intelligence des contraires », il aura sans doute désamorcé la critique par anticipation en précisant qu’il voulait « dé-déifier l’artiste », et peut-être la pelle à neige a-t-elle été l’un des deux ready-mades présentés à la Bourgeois Gallery en 1916, annoncés au catalogue, mais passés totalement inaperçus puisque positionnés dans l’entrée, sans cartel, peut-être dans le porte-parapluie... À propos de la Roue de bicyclette, Duchamp déclare «Je ne l’appelais pas une “œuvre d’art”.

Je ne l’appelais d’ailleurs pas. »
Discrétion maximale, pour ce qui est parfois compris comme une œuvre manifeste.

Mais In Advance of the Broken Arm (du moins l’une de ses nombreuses répliques, puisque l’« original » est perdu) est aujourd’hui reproduite dans tous les livres d’histoire de l’art, muséifiée, reconnue comme œuvre d’art indiscutable trahissant ainsi le doute perturbant que voulait instiller Duchamp en définissant le ready-made comme « une œuvre d’art qui n’en est pas une ». Ainsi,
on peut penser que Benoit Pierre s’en prend moins à Duchamp et son œuvre qu’aux représentations pesantes qui en ont été données et à la réception intimidante et asphyxiante qui a pu en être faite. Et si le manche n’est plus que cendre, la pelle trouve aussi une nouvelle existence par transsubstantiation puisque le fer galvanisé est devenu céramique, certes noire comme cendre.

L’air pur, les glaciers, l’immensité des espaces, la neige sans la pelle... Frank Dubois est parti voir ce qu’il en était dans le Grand Nord. Dans le désert de glace allié au silence et au blanc immaculé, il fait un relevé visuel des empreintes humaines. Et l’étrangeté en ces lieux grandioses de la présence d’un container, d’un escabeau (à l’envers), ou d’une pompe à essence, font résonner de manière particulièrement étonnante l’un des ressorts du ready-made : l’objet le plus banal saisi où on ne l’attend pas, et qui perturbe ainsi son appréhension par le regardeur. L’une des manifestations les plus terrifiantes du réchauffement climatique, la fonte des glaciers, est évoquée par les artistes dans diverses œuvres, dont Spin et ses carottes de lait gelé ainsi que Banquises et ses fragiles tablettes de farine de blé.

Mais le silence des glaciers n’est plus ce qu’il était. Dans Isflak, Frank Dubois enregistre grâce à des capteurs les craquements de la glace, le dégel à l’œuvre. Sons singuliers et incompréhensibles, provoquant des senti- ments mêlés chez l’auditeur : plaisir de l’écoute exploratoire et chagrin d’entendre un monde qui fuit sous ses oreilles. « Silent et Listen » avait noté Duchamp dans une anagramme qui aurait réjoui John Cage. Duchamp, dans une autre note de “musique en creux”, annonce que « Parmi nos articles de quincaillerie paresseuse nous re-commandons le robinet qui s’arrête de couler quand on ne l’écoute pas ». Note qui pourrait, délestée de son ironie, légender la fonte des glaciers.

On peut comprendre que des artistes veuillent exercer un droit d’inventaire, ici avec intelligence et finesse,
ce qui n’est pas toujours le cas. Mais l’image caricaturale diffusée massivement d’un Duchamp apôtre de l’avant-garde, indifférent au politique, introduisant l’industrie dans le monde de l’art, pourrait être redressée par celle d’un Duchamp... écologiste ou “décroissant” ! En 1949 il affirme sans détour : « Il n’y a pas de progrès en art. Il pourrait y avoir un progrès de la civilisation – ce à quoi je ne crois pas du tout– mais en art je suis sûr qu’il n’existe pas ». Rejet aussi du productivisme (y compris dans l’art : “Limiter le nombre de ready-mades par année”), ainsi que de la nécessité du travail, et conjointement éloge de la paresse stimulé par la lecture de Paul Lafargue : « Je considère que travailler pour vivre est un peu imbécile du point de vue économique. J’espère qu’un jour on arrivera à vivre sans être obligé de travailler ». Ensuite un comportement personnel, reconnu par tous ceux qui l’ont côtoyé, fait de sobriété, d’économie, de modestie : « savoir limiter ses besoins, rejeter l’inutile ». Duchamp imagine même dans une note, non sans ironie, un “transformateur destiné à utiliser les petites énergies gaspillées comme :

l’excès de pression sur un bouton électrique l’exhalation de la fumée de tabac,

la poussée des cheveux, des poils et des ongles


la chute de l’urine et des excréments


les mouvements impulsifs de peur d’étonnement d’ennui, de colère


le rire


la chute des larmes


les gestes démonstratifs, des mains, des pieds, les tics

les regards durs
les bras qui en tombent [...]»


etc.

Quand en 1919, Duchamp offre en cadeau une ampoule d’Air de Paris à son ami Walter Arensberg, il explique que comme sa fortune lui permettait de se payer tout ce qu’il voulait, il lui a apporté ce qui lui semblait être le plus superflu, le plus gratuit. Mais l’état du monde a bien changé. Frank Dubois et Benoit Pierre nous le montrent bien, le plus anodin et le plus gratuit (l’air qu’on respire, l’eau qu’on boit) sont devenus l’essentiel pour la survie de tous. Marcel Duchamp, dans un trait d’humour noir comme la cendre, l’avait pressenti :

« Établir une société dont l’individu ait à payer l’air qu’il respire (compteur d’air) ; emprisonnement et air raréfié en cas de non paiement, simple asphyxie au besoin (couper l’air)»


Nous y sommes : Air glacière

Patrick de Haas

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