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TABLE À DESSIN (Benoit Pierre)
In situ. Mélaminé blanc, tréteaux, sciure, film dépoli. Dim. variables

Par Thierry Cattan

Il est aisé d’accuser l’image de n’être qu’apparence, de reprocher aux artistes comme le fit Platon de ne rien produire de réel. Toutefois, nous vivons dans un monde d’images, non seulement parce que depuis la découverte des moyens de leur reproductibilité technique, les images ont envahi notre quotidien mais aussi, plus fondamentalement, parce que toute perception du monde, toute représentation, n’est jamais qu’une image. Dès lors, le travail de l’artiste, quoi qu’ait pu en penser l’illustre père de la philosophie, n’a jamais été de fuir dans l’imaginaire l’âpreté du réel, mais paradoxalement de créer des images qui nous permettent d’en saisir quelque bribes au-delà du miroir de nos illusions. Bien que l’idée, dans sa simplicité, ait quelque chose de vivifiant, ce n’est certes pas en découpant l’image, voire la table à dessin elle-même, que nous parviendrons à découvrir ce qui se trouve au-delà.


L’œuvre de Benoit Pierre ouvre simplement l’espace de la représentation (un film plastique issu d’un écran LCD nous rap-pellera que nous n’avons jamais accès directement au réel). Ce qu’il découvre, dans les décombres de l’image, ce n’est pas le réel lui-même mais l’écart à travers lequel il se donne à penser. C’est dans cet espace entre le réel et sa représentation que nous vivons, dans cet espace entre les contours du Pôle Nord et ceux du Pôle Sud, que se joue notre relation au monde.


La brutalité de l’œuvre témoigne d’une urgence, celle que tout artiste se doit d’assumer, celle aussi que le monde contemporain tarde à reconnaître : la nécessité de lire ce qui se tient au-delà de l’image pour se rendre véritablement présent à ce qui arrive.

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